Le karaté est un art martial d’auto-défense, certes, mais peut-il également améliorer ma santé ?
La pratique du Karaté permet l’harmonisation du corps et de l’esprit. Par cette harmonisation, il apporte beaucoup à notre état tant physique que psychique, donc à notre santé en général.
Nous avons échangé quelques emails sur le sujet avec le Dr. Michel Barrière, un de nos abonnés Karate3g. A la suite des nos échanges, je lui ai demandé de nous écrire un article pour nous expliquer comment, en collaboration avec le Pr. Denis Oriot, ils ont initié notre art martial dans une démarche thérapeutique au sein de leur club.
Cette démarche que l’on pourrait nommer karaté santé est importante, d’autant plus qu’ici elle émane de personnes du milieu médical. Ils nous apportent, par le biais de leur activité au sein du Stade Poitevin Karaté, les bienfaits du Karaté.
Michel Barrière était médecin dans les CHU et est actuellement à la retraite. Détenant le grade de 5è dan, il est également professeur de karaté (DEJEPS). Le Professeur Denis Oriot est lui, médecin au CHU de Poitiers. Il est premier Dan et également enseignant de karaté (DIF).
Après la lecture de leur article, je vous invite à profiter de la vidéo qu’ils nous ont faite relative à cette approche du karaté santé, avec des exercices.
Introduction
Si l’on en croit la légende : Boddhidarma, un moine indien, aurait inventé à l’aube du cinquième siècle après J.C. une méthode issue de pratiques guerrières baptisée « nettoyage des muscles et des tendons, purification de la moelle et des sinus » pour aider des bonzes faméliques à contrôler leur respiration, à acquérir une certaine souplesse et à supporter les temps de méditation (1). En se référant à cela on se rend compte que la vocation de bien-être des arts martiaux est déjà présente très tôt.
Les formes modernes de karaté intègrent un ensemble de techniques et de pratiques qui mobilisent toutes les parties physiques du corps humain, mais aussi toutes les autres composantes affectives, mentales et spirituelles de l’être humain. Non seulement elles les mobilisent mais elles les éduquent, les renforcent et les transcendent jusqu’au plus haut niveau possible à atteindre. D’autre part un art martial en développant des techniques de combat se doit aussi de maintenir et de renforcer l’état de santé de celui qui pratique. Naturellement il vient à l’idée de tirer parti de ces vertus pour les mettre au service des patients souffrant de pathologies physiques et parfois psychiques.
Ces considérations nous ont amenés à l’idée qui n’est pas nouvelle d’utiliser le karaté et les arts martiaux à des fins thérapeutiques (2,3,4,5) pour des personnes qui présentent des pathologies ou des déficits transitoires ou définitifs afin qu’ils récupèrent les meilleures fonctionnalité et intégrité physiques souhaitables et possibles.
Présentation de nos activités
Les activités que nous avons créées comportent deux volets : un volet hospitalier de karaté thérapeutique dit «utiliser son corps autrement » dans le service de Médecine Physique et Réadaptation du CHU de Poitiers (chefs de service : Mesdames les Docteurs Delaubier et Guillou) et un volet de karaté bien-être dans notre club le Stade Poitevin Karaté affilié à la Fédération Française de Karaté (FFK) (Président et directeur technique du club : Monsieur Michel Bezot – septième dan – BE2).
La première application que nous avons initiée en 2009 au CHU a concerné les lombalgiques. La lombalgie est un symptôme. Il est ainsi défini par la Société Française de Rhumatologie : « douleur lombo-sacrée à hauteur des crêtes iliaques ou plus bas, médiane ou latéralisée avec possibilité d’irradiation ne dépassant pas le genou, mais avec prédominance lombo-sacrée ». La lombalgie est un symptôme si répandu qu’un très petit nombre de personnes échappent au cours de leur vie au « mal de dos ». Les causes de lombalgie sont multiples : elles vont du simple lumbago aux pathologies lourdes vertébrales. Les lombalgies qui bénéficient des soins du service sont des lombalgies chroniques dites communes sans pathologie néoplasique, inflammatoire ou infectieuse. Il se trouve que les attitudes et les pratiques du karaté favorisent un maintien et une dynamique de cette partie du corps qui peuvent être bénéfiques à ceux qui présentent ce symptôme, pour une visée préventive et éviter les rechutes.
Afin d’illustrer ce que nous avons mis en œuvre nous décrirons brièvement un ou deux exercices du volet thérapeutique et du volet bien-être.
1 – Le volet karaté thérapeutique.
Cette activité est pratiquée à raison d’une séance d »une heure et demie par semaine, pendant les quatre semaines du séjour des patients, dans un espace dédié à cette activité. Le texte décrivant les exercices et la vidéo les montrant sont mis à leur disposition.
Un des premiers exercices qui est proposé aux patients est de retrouver une attitude et une statique vertébrale verticale les plus correctes possible. Il est évident que les courbures physiologiques de la colonne vertébrale : lordose et cyphose sont plus ou moins accentuées d’un individu à un autre. Cependant on peut déjà tirer avantage d’une amélioration de la verticalité comme on peut l’avoir dans la pratique du karaté.
La posture de base ou de référence :
- Position debout : pieds parallèles écartés de la largeur des hanches
- Genoux légèrement fléchis vers l’avant
- Colonne vertébrale verticale
- Bras le long du corps
- Epaules basses et la poitrine dégagée pour une respiration facilitée
- Menton amené légèrement vers l’arrière sans le lever ou l’abaisser pour bien placer la tête dans l’axe de la colonne vertébrale
- Bassin amené très légèrement en rétroversion sans toutefois trop diminuer la lordose lombaire
- Fermeté des muscles du plancher pelvien.
Ainsi les ligaments du rachis sont étirés sans tension et sans mouvement associé tout en gardant une grande décontraction des muscles intrinsèques.
Le simple fait de cette position peut amener parfois une diminution de la douleur. Chez toute personne, il diminue la fatigue liée à la pression de la pesanteur.
La marche économique :
Souvent les lombalgiques ont des douleurs à la marche. La marche habituelle provoque des mouvements au niveau de la région lombo-abdominale. En effet quand le pied se pose en avant sur le talon, le bassin est en légère rétroversion et la lordose diminuée.
Quand le pied est en arrière et se lève sur les orteils, le contraire se produit : légère antéversion et accentuation de la lordose. De plus pendant cette marche le centre de gravité (hara) monte et descend d’où une dépense d’énergie pour soulever et rabaisser le corps. Les déplacements en karaté évitent ces inconvénients. Il est alors possible de proposer une marche adaptée ainsi :
Le principe de la marche économique s’appuie sur des déplacements en posture Fudo Dachi.
- Celui qui s’initie à cette marche doit commencer par faire des petits pas avec les genoux légèrement fléchis qui le resteront pendant toute la marche.
- A partir de la posture de base, le centre de gravité (hara) en le gardant à hauteur constante est amené sur l’appui d’un seul pied.
- L’autre pied est soulevé d’un seul tenant de quelques centimètres seulement en gardant la plante parallèle au sol.
- Ce pied est avancé jusque devant le corps en gardant toujours la plante parallèle au sol.
- Il est ensuite posé d’un seul tenant du talon aux orteils en même temps.
- Puis le centre de gravité (hara) en le gardant à hauteur constante est amené sur l’appui avant sans dépasser la base de sustentation en gardant sa hauteur constante.
- Le pas suivant est semblable : il consiste à soulever le pied arrière d’un seul tenant de quelques centimètres seulement en gardant la plante parallèle au sol.
- Ce pied est avancé jusque devant le corps en gardant toujours la plante parallèle au sol.
- Il est ensuite posé d’un seul tenant du talon aux orteils en même temps.
- Le centre de gravité gardé à hauteur constante est amené sur l’appui avant sans dépasser la base de sustentation et ainsi de suite.
La verticalité vertébrale est maintenue sans déviation ou torsion. Ainsi les mouvements parasites sont évités et une dépense d’énergie inutile supprimée. Surtout il n’y a aucun mouvement parasite ou déviation au niveau lombaire et le patient n’est pas obligé de soulever son corps à chaque pas.
Pour faire un changement de direction les deux pieds sont amenés à même hauteur et le centre de gravité (hara) à la verticale de l’espace interpodal. Une impulsion de rotation est donnée à partir du hara. Cette impulsion est transmise aux hanches, au tronc, à la tête et aux pieds en intéressant la ceinture pelvienne, la colonne vertébrale, la ceinture scapulaire et tous les axes osseux et musculo-tendineux. La rotation s’effectue sur les talons. Les pieds s’orientent vers la nouvelle direction et le corps tourne sur son axe comme une unité.
Dans ce mouvement l’énergie et la force motrice s’appliquent au départ au centre de gravité (hara) et se répand dans tout le corps. La zone lombo-abdominale se maintient comme dans la posture de base. Ainsi pratiqué ce mouvement n’autorise qu’une rotation de quatre-vingt-dix degrés et guère plus.
Pour faire un changement de direction plus important, il faut arrêter la marche dans la position un pied devant l’autre, amener le centre de gravité à la verticale du milieu interpodal et procéder exactement comme précédemment.
Ce simple changement à la marche est non seulement susceptible d’aider les lombalgiques mais sa pratique sans exagération de l’attitude apporte un bénéfice de maintien et d’économie d’énergie à toute personne qui se déplace suivant ces principes.
2 – Le volet karaté bien-être
Le karaté bien-être se présente comme une pratique de karaté adaptée pour le réinvestissement du corps et de l’esprit après une épreuve physique et/ou psychologique ou simplement pour conserver son capital santé à tout âge. Il comprend une partie explicative sur l’anatomie, la physiologie et la biomécanique et une large partie de pratique de karaté classique adaptée.
Deux cours par semaine sont offerts aux pratiquants de notre club le mardi et le jeudi de douze heures à treize heures quinze pendant les périodes scolaires un peu élargies dans un dojo.
Renforcement des ligaments de la cheville :
Il existe une continuité entre le karaté thérapeutique et le karaté bien-être qui s’illustre avec la marche économique qui peut être pratiquée de la façon suivante pour renforcer les ligaments de la cheville :
L’appui du pied au sol sollicite trois arches :
- une arche interne qui va du talon à la tête du premier métatarsien
- une arche externe qui va du talon à la tête du cinquième métatarsien
- une arche antérieure qui va de la tête du premier métatarsien à la tête du cinquième métatarsien.
Le renforcement des ligaments de la cheville et la solidité de cette articulation bénéficient d’une marche suivant les principes de la marche économique sur une seule de ces arches à la fois :
- d’abord sur l’arche externe seule pied en inversion,
- puis sur l’arche interne seule pied en éversion
- et enfin sur l’arche antérieure seule pied portant sur la pointe.
Nous avons une grande adaptation de la forme pratiquée en fonction des caractéristiques inhérentes à chaque pratiquant. Un cours peut s’adapter avec des niveaux qui vont de la ceinture jaune blanche à la ceinture noire quatrième dan et à des situations particulières.
A titre d’exemple une dame souffrant d’ostéogenèse imparfaite décrite comme la « maladie de os de verre » s’entraîne régulièrement avec nous depuis plusieurs années sans que l’on ait à déplorer d’incident ou d’accident.
Conclusion
Une question se pose : faut-il une compétence médicale pour mettre en œuvre une pratique de karaté santé ?
Nous répondrons par l’affirmative pour le karaté thérapeutique qui s’adresse à des patients en soins (lombalgie, AVC…) dont il faut connaître dans une certaine mesure le dossier et les compatibilités d’activité avec la pathologie.
Pour le karaté bien-être une bonne connaissance de l’anatomie, de la physiologie, de la biomécanique et des pathologies les plus courantes sera très utile.Il paraît évident que le karaté, art martial par excellence, possède des vertus inhérentes à sa nature et à sa pratique pour maintenir ou restaurer l’état de santé. Au moment où le sport s’ouvre à la prescription médicale le karaté peut et doit trouver une place de choix dans cette ouverture thérapeutique.
Bibliographie.
- Karaté https://fr.wikipedia.org/wiki/Karat%C3%A9
- Goodman G, Satterfield MJ, Yasamura K, Combining traditional physical therapy and karate in the treatment of a patient with quadriplegia. Int J Rehabil Res 1980, 3, 2, p.236-239.
- Pandavela J, Gordon S, Gordon G, Jones C, Martial arts for quadriplegic. Am J Phys Med 1986, 65, 1, p.17-29.
- Seitz FC, Olson GD, Locke B, Quam R, The martial arts and mental health : the challenge af managing energy. Percept Mot Skills 1990,70,2, p. 459-464.
- Massey PB, Kisling GM, A single case of healing through specific martial art therapy comparison to clinical resolution in severe cervical stenosis : a case report. J Altern Complement Med 1999,5,1, p.75-79.
Pour illustrer la pratique du Karaté Santé le Dr. Michel Barrière vous a préparé une petite vidéo :
Je remercie nos éminents médecins et karateka, le Dr. Michel Barrière et le Pr. Denis Oriot pour cet article et cette vidéo sur le karaté santé. Il n’a pas pour objectif de nous convaincre mais il nous apporte des avis médicaux objectifs sur le pratique du Karate et l’adaptation que l’on peut en faire pour soigner certaines pathologies. Il nous rappelle également les bien-faits de pratiquer un sport en général, et le karaté en particulier du fait qu’il englobe et mobilise toutes les parties de notre corps, jusqu’au mental qui est la source de bon nombres de maladies et du mal-être.
Si, auparavant, lorsque certaines maladies apparaissaient, les médecins préconisaient le repos, il semble que le karaté est de nature à guérir, sinon améliorer l’état des patients souffrants de ces maladies.
Mais attention, suivant votre état de santé, ce mode thérapeutique du karaté santé nécessite un suivi médical rapproché. Demandez toujours un certificat médical avant de pratiquer le Karaté.
Nous avons l’article, nous avons la vidéo, j’attends vos avis dans un commentaire ci-dessous !
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne santé.
À très vite
Bruno
"Comment réussir vos passages de grade"
5 commentaires
Bonjour
A mon avis, le karaté dans ses formes sportives, correspond à une tranche d’âge, mais il n’en reste pas moins l’ancien karaté que pratiquaient les Okinawaiens jusqu’à un âge avancé.
J’avais présenté quelques photos de Me Funakoshi extraites d’un manuel publié en 1925 :
https://wp.me/pa09YX-V1
On n’est plus dans les postures à raz du sol des années 70 promus par de jeunes senseis qui avait adapté la pratique aux finalités des compétitions.
Si l’on regarde bien les photos ont voit que l’usage du corps reste dans du raisonnable et que faire des katas, par exemple, est tout à fait envisageable longtemps.
Maintenant, si les structures (FD) qui encadrent le sport reste « orientées jeunesse », c’est tout à fait normal qu’elles ne gèrent pas d’autres évolutions des arts martiaux qui sortent des missions du ministère de tutelle.
Difficile de savoir comment pourrait se developper une pratique physique non sportive dans notre société, sauf à penser à un retour aux sources des disciplines orientales qui envisageaient les choses autrement.
Je pense que la médecine, l’anatomie, dietétique, etc… aussi ont beaucoup à nous apprendre pour composer ce « nouvel ancien ».
Je vous remercie de vos precieuses informations
Très intéressant karaté sante.J’ai beaucoup appris avec la vidéo.Je voudrais savoir si vous organisez des stages la dessus?Je dirige un dojo et ça peut vraiment nous aider.Merci
Moi, j’ai une petite question. Est ce que le KAraté est bénéfique ou est que quelqu’un qui souffre de l’hypertension artérielle peut-il pratiquer le Karaté sans risque. Il faut que je précise la question me préoccupe personnellement , étant un ancien pratiquent du Karaté, depuis mon jeune age (19 – 20 ans) jusqu’a l’age de 42 ans , dont j’ai obtenu le grade de ceinture noir 2 Dan. Donc, j’ai arrêté la pratique depuis presque 17 ans a cause du travail et des occupations familiales. Toutefois, il faut dire que je fais de temps en temps de la marche et parfois des exercices dans la foret…
DE nos jours, si je fais des exercices intenses dans la foret ou si je fais un effort intense (travail manuellement avec parfois lever des objets lourds le lendemain je souffre de migraine a cause d’une fatigue très intense.
Bonjour,
Ayant eu de l’hypertension cela fut assez difficile de reprendre car si reprendre le sport est un des éléments pouvant faire baisser la tension faut-il que le cardiologue ou le médecin consente ?
Le problème est que les médecins n’ont pas et ne peuvent pas avoir une idée claire de l’effort :
– le test d’effort est complètement délirant par rapport à une activité normale (point de vue partagé même par des cyclistes du dimanche) pour deux raison ; le karaté permet d’avoir de courtes périodes d’activité soutenue, et le plus important : c’est vous qui gérez.
– si vous allez dans un club faire des cours 1h30, adultes / ados, avec une pratique fortement orientée compétition, ce ne sera pas la même chose qu’un cours de pratique plus traditionnelle d’une heure.
Le dernier point c’est qu’il me semble que les médicaments contre l’hypertension ne sont pas neutres quand à l’activité musculaire, ce qui en rajoute une couche. Chacun à ses avantage et inconvénient. Bien sur il existe des méthodes pour faire baisser la tension par l’alimentation comme le régime DASH qui peut aider.
Sur ce sujet :
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J’ai trouvé de bon conseils sur « l’Hypertension artérielle » du Dr Michel Brack:
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J’ai réalisé que j’avais de l’hypertension le lendemain d’une soirée-spectacle un peu arrosée (rhum) avec des danseuses brésiliennes : la tête comme un compteur. Le cardiologue m’a fait des test et prescrits des produits. Puis j’ai arrêté le peu que je fumais, une alimentation plus riche en produits crus, arrêter de rajouter du sel, etc…Maintenant je prends rien mais surveille ma tension par période…
Pour les efforts, je pratique une séances d’environ 1heures (kihon, pompes, abdo, etc..) plusieurs fois par semaine quand je vais pas en cours. Plus ou moins rapide selon la forme.