Qi Gong et Karaté, est-ce compatible ?

5

Je vous propose aujourd’hui un article invité rédigé par Gilles DONGUY, enseignant de Qi Gong, diplômé de l’Institut Européen de Qi Gong (IEQG) et de  la Fédération des Enseignants de Qi Gong et Art Énergétique (FEQGAE),  praticien de Médecine Traditionnelle Chinoise MTC (FNMTC) et Naturopathie. Nutrition. 

Gilles est également créateur de 2 sites internet qui devraient vous intéresser : QI Gong pour tous et Naturopathie en clair

Qi Gong et Karaté, est ce compatible ?

Un article de Gilles Donguy

A priori, le Karaté, Art martial et Sport de combat par essence, semble loin de l’image plutôt Zen véhiculée par le Qi Gong. Enseignant de Qi Gong, ayant pratiqué naguère le Judo, puis le Karaté durant quelques années, je me suis pourtant naturellement demandé : et si les deux approches étaient complémentaires ? En quoi le seraient-elles ? Bruno Bandelier  m’a gentiment proposé l’écriture d’un article invité sur karaté-blog.net pour me permettre de vous livrer mon avis sur la question !

 Le Qi Gong en clair

Mais qu’est-ce donc que le Qi ? Le Qi est souvent assimilé à « Energie », ou « Souffle »  mais le terme (exprimé ici en Pin Yin[1]) est en fait quasi intraduisible…C’est la substance universelle qui imprègne chaque chose vivante ou non, et qui se polarise en Yin et en Yang.  Sur ce dernier point, nous constatons effectivement que l’idéogramme de Qi contient en lui-même les concepts du Yin et du Yang :

Ce concept de Yin et de Yang se retrouve par ailleurs dans le symbole du Tai Ji, littéralement le « Faîte suprême », souvent assimilé au Tao (la Voie, intraduisible aussi…!) :

qi-gong-yin-yang

Tai Ji

Notons au passage que Tai Chi Chuan (Tai Ji Quan en Pin Yin) veut d’ailleurs dire tout simplement « Boxe du faite suprême » : c’est un art martial Chinois dit « interne ».

Quant à « Gong », il renvoie à la notion de « Travail ». Qi Gong peut donc se traduire par « Travail sur le souffle ». Mais le travail « Gong » s‘entend ici au sens d’un effort soutenu, persévérant en vue de maîtriser les différents aspects du Qi.

Nous retrouvons d’ailleurs le terme de Gong pour désigner un point d’acupuncture incontournable, situé dans la paume de la main : Lao Gong, comprenez « Palais du Labeur » (là où on a le poil dans la main paradoxalement, lol !).

Nous le retrouvons aussi dans les arts martiaux Chinoises popularisé et francisé en Kung Fu, bien connu mais qui renvoie  plus précisément au  Wu Shu.

Et enfin il faut savoir que le terme Kung Fu s’est étendu à d’autres disciplines dans le sens de la maîtrise d’un art : avoir un bon Kung Fu à la Guitare, en Peinture, etc.

[1] Le PIN YIN est la translittération officielle du Chinois en alphabet occidental. Les anciennes translittérations « T’SI » (EFEO), ou « CH’I » (Wade-Giles) s’écrivent « Qi » en PIN YIN.

 

Les milles visages du Qi Gong

La tradition Chinoise (taoïste notamment) aime utiliser les nombre pour frapper les Esprits ou codifier tel ou tel  aspect de l’énergétique : les 10 000 êtres, les 64 hexagrammes, …Aussi quand je parle des milles visages du Qi Gong, oui j’exagère…mais probablement pas assez ! En effet, sachez qu’en Chine, pas moins de 18000 formes de Qi Gong sont référencées ! Et quatre méthodes sont recommandées officiellement par l’association Nationale d’Administration du Qi Gong…Mais c’est une autre histoire.

Par ailleurs, il faut bien comprendre que le terme « Qi Gong » est en fait un néologisme validé par les autorités chinoises dans les années 50, et qui regroupe diverses pratiques de la Chine ancienne, par exemple :

  • Le premier terme faisant référence à la gymnastique énergétique chinoise est « DAO YIN », qui signifie en gros « Conduite de l’énergie ».
  • Le deuxième terme est « TU NA », qui veut dire « Expirer et Inspirer » (sous-entendu le Qi !). On est donc là dans les techniques respiratoires.

C’est ainsi que le Qi Gong offre un large éventail d’aspects dans la pratiques : postures, enchainements dynamiques, marches, utilisation des sons, méditation, etc.

Néanmoins, on peut ramener les pratiques de Qi Gong à deux grandes catégories, dont nous reparlerons plus loin :

  • Le Qi Gong externe : WAI DAN (Elixir externe)
  • Le Qi Gong interne : NEI DAN (Elixir interne)

Notons cependant que la frontière entre ces deux catégorie n’est pas absolue, toute pratique incluant un minimum de l’un des deux aspects, interne ou externe…

 

Quid du Qi Gong et du Tai Ji Quan?

Avant d’aborder le Karaté, voyons la différence entre Qi Gong et Tai Ji Quan, car bien souvent la plus grande confusion règne à ce sujet ! Les deux disciplines sont d’origine Chinoise, mais le Qi Qong, comme on l’a vu, est très ancien (inspiration taoïste et bouddhiste notamment), tandis que le Tai Ji Quan est beaucoup plus récent (inspiration taoïste). Si l’on regarde un praticien de Tai Ji Quan et un pratiquant de Qi Gong s’adonner à leur art, on note quelques similitudes essentielles, et notamment une certaine « lenteur »  dans les gestes. En fait nous allons retrouver de plus les points communs importants suivants (liste non exhaustive), intégrés dans la pratique :

  • L’enracinement.
  • L’axe et l’alignement.
  • La fluidité.
  • La coordination gestuelle, respiration, intention.

 Toute chose que l’on peut d’ailleurs retrouver en général dans les arts martiaux…

 De plus, les deux pratiques s’appuient en toute logique, sur les mêmes bases théoriques que celles inhérente à la Médecine Traditionnelle Chinoise (le Qi Gong est une branche de la MTC !) :

  • Théorie du Qi, du Yin-Yang, des 5 éléments.
  • Théorie des Méridiens et des points d’acupuncture.
  • Théorie des Organes entrailles.
  • Théorie des Trois foyers.

 Nous ne pouvons pas faire la  revue complète des aspects théoriques et pratiques  du Qi Gong dans le cadre de cet article, mais les notions abordées ici sont suffisantes pour notre propos.

Cela dit, un aspect théorique important à considérer en Qi Gong est la notion des « Trois trésors » SAN BAO, à savoir JING, Qi et SHEN,  illustrée par la figure ci-dessous :

Les 3 Dan Tian (Champs de Cinabre) et les 3 Trésors.

 

Il faut noter que le Tai Ji, notamment le style Yang,  est bien souvent enseigné en occident « à la manière » du Qi Gong : en ce sens que les applications martiales ne sont abordées que sous l’angle pédagogique et démonstratif (tel mouvement correspond à telle attaque ou telle parade) mais que la mise en œuvre  en vitesse réelle (combats) est peu ou quasi pas abordée. Ce qui n’enlève rien aux bienfaits de la pratique !

L’utilisation des armes en Tai Ji (bâton, épée, etc.) est cependant il est vrai  plus concrète de ce point de vue.

Les cours de Tai Ji Quan incluent fréquemment une pratique de Qi Gong en guise d’échauffement, et bien sûr les deux pratiques peuvent être menées de front…

Nous avons donc des points communs entre Qi Gong qui est une  pratique de Santé et de Longévité, et Tai Ji Quan, Art martial interne… Or le Karaté est un art martial externe, Japonais, relativement « Carré » tout comme le Wu Shu est un art martial externe, Chinois, relativement « Rond »…

Alors, si Qi Gong et Tai Ji sont « Cul et Chemise », peut–t-on pour autant trouver une synergie Qi Gong Karaté significative? Poursuivons…

 

Le Karaté-do : La voie de la main vide

La main vide, telle est la traduction du terme Karaté, qui avec le suffixe Do désigne donc la voie de la main vide. Je ne vais évidemment pas rentrer ici dans le détail de cette pratique, codifiée par Gichin Funakoshi, le père du Karaté moderne (Shotokan) car naturellement, Bruno y pourvoit largement sur le blog !

Mais notons d’ores et déjà et à toute fin utile, que la pratique du karaté (comme la plupart des arts martiaux externes) s’accompagne d’un certain nombre de précautions (bien explicitées par divers articles et ressources du Blog), pour éviter blessures, surmenage, etc.:

  • Echauffement progressif (voir ABC des échauffements)
  • Musculation adaptée.
  • Etirements selon un timing adapté.

 Ces aspects visent donc à limiter où éviter les potentiels effets négatifs d’une pratique qui reste assez explosive et très physique dans son application !

 Alors qu’apporterait de plus le Qi Gong ? C’est ce que nous allons découvrir…

 

Karaté et Qi Gong externe « Dur »

Nous avons vu plus haut que l’on distingue le Qi Gong externe du Qi Gong interne. Le WAI DAN regroupe les pratiques où l’on se concentre essentiellement sur le mouvement et les membres.

Dans un exercice de Wai Dan, on accumule le Qi dans les membres, afin qu’il s’écoule ensuite dans les méridiens pour nourrir les organes. Ce type de Qi Gong peut être statique ou dynamique (enchaînements de mouvements).

Mais surtout il renforce puissamment l’Energie défensive (Wei Qi), qui circule en surface, et trouve donc tout naturellement une application concrète dans les arts martiaux…

Voici quelques exemples typiques de Qi Gong Wai Dan :

  • Transformation des muscles et des tendons (YI JIN JING)
  • Les huit pièces de brocard (BA DUAN JIN)
  • La chemise de fer

 Il est à noter que ce « renforcement de la surface » est non traumatique, et qu’il complète ou se substitue en partie avantageusement à des pratiques plus éprouvantes telles qu’on les retrouve parfois exacerbées dans certains arts martiaux (renforcement des tibias en Muy tai si ce renforcement est mal conduit par exemple)…

 

qi-gong-ba-duan-jin«Poing serré et regard flamboyant augmente la force musculaire» (BA DUAN JIN)

Karaté et Qi Gong statique

Nous retrouvons bien sûr dans le Karaté, la notion d’enracinement et de stabilité à travers différentes positions bien connues des pratiquants, et notamment Kiba Dashi.

En Qi Gong, il existe un pratique fondamentale (déclinable en plusieurs formes), permettant entre autres un travail approfondi sur l’enracinement : « Embrasser l’arbre » (ZHAN ZHUANG).

Cette posture est maintenue un temps suffisamment long, en veillant notamment au maintien de l’axe vertical (l’homme entre ciel et Terre), l’alignement (des centres énergétiques), l’enracinement (grâce notamment à la flexion des jambes), et l’intention (concentration au DAN TIAN inférieur par exemple).

Cette posture renforce les Jambes, la Taille et l’Energie des Reins (qui stocke notre Qi constitutionnel, à savoir le JING), ce qui n’est pas sans rappeler l’importance accordée par les Japonais au « Hara » !

A ce propos je dis d’ailleurs souvent à mes élèves (lol !) : « Mieux vaut avoir un JING Tonique, qu’un JING Délavé ! »

Embrasser l’arbre (ZHAN ZHUANG)

Karaté et Qi Gong interne

Les arts martiaux en général, nommés arts externes, peuvent être éprouvant pour le corps : risques de problèmes tendino-musculaires, surmenage des organes, etc.

Or la pratique du Qi Gong externe doux, tel le Wu Dan Qi Gong par exemple, et les pratiques plus internes NEI DAN (Méditations, Orbite microcosmique, Respiration au Dan Tian, Sourire intérieur) ont pour effet notamment de régénérer les Organes et les Entrailles, éventuellement malmenées par des pratiques externes dures.

Le son du Coeur « Ahhhh »

Il faut comprendre que les pratiques externes sont souvent synonymes (surtout en compétition) de coups reçus à divers endroits du corps : or tout traumatisme peut entrainer un blocage du Qi sur la région concernée. La pratique du Qi Gong (entre autres) peut aider à lever ces blocages.

Un aphorisme Taoïste dit : « Celui qui fait des pratiques externes doit faire du Qi Gong. Celui qui fait du Qi Gong peut se passer des pratiques externes ! »

 Evidemment, c’est une formule, il est clair que des pratiques externes cardiovasculaires adaptées (marche, vélo, arts martiaux,…) sont bénéfiques, et le Qi Gong peut s’inscrire alors comme une pratique complémentaire et restauratrice.

 

Qi Gong et Karaté : le duo gagnant !

Et bien nous pouvons donc résumez en disant, (ce n’est guère surprenant !) que Qi Gong et Karaté sont tout à fait compatibles. Le Qi Gong peut notamment apporter au pratiquant de karaté :

  • Un travail plus spécifique sur l’enracinement, le renforcement du Qi originel (JING)
  • Un renforcement de l’Energie défensive (WEI QI) de façon non traumatique.
  • La préservation et/ou restauration du Qi général et du Qi Organes/entrailles suite à des pratiques intensives externes.

Et si toutefois vous êtes un karatéka très attaché (voir exclusivement) à la culture Japonaises, vous savez sans doute que le Qi Gong existe en version Japonaise, sous le terme de «  KiKo ».

Sur ce, bonnes pratiques, et que le Qi soit avec vous !

Gilles DONGUY Enseignant de Qi Gong Diplômé de l’IEQG et de  la FEQGAE Praticien MTC (FNMTC) et Naturopathie. Nutrition.

Pour en savoir plus, retrouvez Gilles DONGUY :
www.qigong-pour-tous.net
www.naturopathie-en-clair.com

Bibliographie :
> A la découverte du Qi Gong de Y. REQUENA Editions Guy Trédaniel. 2008. 205 p.
> Qi gong, gymnastique chinoise de santé & de longévité Y. REQUENA Editions Guy Trédaniel. 2009. 311 p.
> Quintessence du Qi Gongde Liujun JIAN aux Editions Quimetao. 2005. 245 p.

 

Et vous qu’en pensez vous ? Le Qi Gong et le Karaté sont ils compatibles ? Dites le maintenant dans un commentaire ci-dessous !

 

Facebook Comments
Guide offert !
"Comment réussir vos passages de grade"
 


5 commentaires

  1. bonjour

    je pense que oui le gi gong est complémentaire et bénéfique pour la santé et le corps. Je pratique le tai chi et le karaté les deux disciplines s’associes parfaitement . la pratique du gi gong sollicite la respiration et la détente alors que le karaté est plus dur et demande des efforts beaucoup plus importants. Associés les deux expériences me semblent une bonne chose.

  2. Bonjour
    Tout a fait les anciens kata comprenaient des exercices de qi. Gong. Certains gestes ne sont pas que des applications martiales
    Beaucoup etaient travailles avec la respiration
    Le sport a bcp denature le sens des kata

  3. Bonjour,

    Je me permets de mettre en avant Kenji Tokitsu et son style, le JISEI DO où le qi gong prend une place très importante dans son enseignement.

    Salutations

    Rudi

Laisser un commentaire

8 Partages
Partagez
Tweetez
Partagez8
Enregistrer